Loin d’être figé dans le temps, le patrimoine du Vieux-Montréal est diversifié, vivant et s’expérimente au quotidien! Découvrez des portraits de bâtiments toujours actuels, comme autant de pages d’Histoire proposées par Héritage Montréal en collaboration spéciale avec la SDC Vieux-Montréal.
Les premières banlieues de Montréal ne furent pas Brossard ou Laval, mais bien des faubourgs qui se développèrent extra-muros, c’est-à-dire en dehors des fortifications en pierres délimitant la vieille ville. Les risques d’incendie et le manque d’espace encouragent certains habitants à migrer vers ces faubourgs, dont le Faubourg des Récollets. D’abord résidentiel, ce secteur, situé immédiatement à l’ouest de l’ancienne ville fortifiée, à l’embouchure du canal de Lachine, arborera au 19e siècle un visage résolument commercial et industriel. Ce changement de vocation est intimement lié à la création et à l’agrandissement du canal de Lachine, berceau de la révolution industrielle au Canada, ainsi qu’au déploiement tentaculaire du réseau ferroviaire dont Montréal est l’épicentre.
Parmi les industries qui viennent s’y installer, il y a des fonderies, usines qui coulent du métal et fabriquent des pièces industrielles. Pionnière dans le secteur, la fonderie Ives & Allen est construite entre 1864 et 1872. Les frères Darling s’établissent dans le quartier en 1880 alors que l’industrie métallurgique est à son apogée. Ils édifient un complexe de 4 bâtiments de plus de 9 290 mètres carrés, à l’angle des rues Queen et Ottawa. Chaque bâtiment accueille une fonction spécifique dans la chaîne de production métallurgique : l’entrepôt, la salle d’exposition, la fonderie et l’assemblage.
Le plus récent d’entre eux est érigé en 1918 par l’illustre firme d’ingénieurs T. Pringle & Son. Sa structure, visible de l’extérieur, est en béton. Ce matériau fait son apparition dans la métropole au début du 20e siècle dans l’architecture industrielle. L’utilisation d’ossatures en béton rend possible la conception d’édifices solides aux espaces intérieurs dégagés : il n’est alors plus nécessaire de soutenir les planchers et les plafonds au moyen de colonnes encombrantes ; de grandes ouvertures vitrées permettent d’éclairer l’espace naturellement. La brique est uniquement utilisée pour la paroi latérale et la façade principale.
La Fonderie des frères Darling ferme définitivement ses portes en 1991 et elle reste à l’abandon pendant plusieurs années. Au milieu des années 1990, l’artiste Caroline Andrieux, à l’invitation du ministère de la Culture du Québec, travaille à la revitalisation de bâtiments vacants à Montréal. Elle participe à la création de l’association Quartier Éphémère qui met en place des projets artistiques temporaires dans des lieux abandonnés. L’usage transitoire permet d’animer le lieu en attendant de trouver un usage permanent. Le groupe réussira finalement à réunir des partenaires et des ressources et à transformer cet artéfact industriel en un pôle vivant de création. Aujourd’hui, en plus de salles d’exposition, de 10 ateliers individuels de création, de 5 locaux de production ainsi que de 2 ateliers-résidences, l’ancien complexe industriel accueille le restaurant Le serpent, aménagé par l’architecte Annie Lebel de l’atelier in situ en collaboration avec Hubert Marsolais.