La rue McGill raconte plusieurs parcelles importantes de l’histoire architecturale de Montréal. En fait, cette grande artère constitue l’un des espaces publics les plus importants de la métropole résultant du démantèlement des fortifications au début du XIX
e siècle. C’est seulement quelques années après sa création qu’elle a été nommée en l’honneur de James McGill (1744-1813), marchand prospère et philanthrope montréalais d’origine écossaise et l’un des commissaires responsables de la démolition des fortifications.Les promeneurs curieux qui fréquentent la rue McGill remarqueront la présence d’anciens magasins-entrepôts aujourd’hui transformés en élégants magasins et cafés bourdonnants, mais également un enlignement d’édifices à bureaux massifs, dont le charmant édifice Shaughnessy construit en 1912. S’élevant avec prestige au coin des rues McGill et Saint-Paul, celui-ci évoque avec éloquence une partie de l’histoire des gratte-ciel à Montréal, bien avant les géants effilés et vitrés qui montent vers les cieux des années 1960 comme Place Ville Marie ou encore la Tour Telus.
Une tour à bureaux des années 1910
L’édifice Shaughnessy doit son nom à sir Thomas Shaughnessy, président du Canadien Pacifique, mais aussi président de la firme Dorchester Realties qui deviendra propriétaire de l’immeuble dès son inauguration. Cette « tour » à bureaux de dix étages est d’abord conçue pour répondre aux besoins de gestion de transport et de communication de la compagnie de chemin de fer. Cependant, sa localisation de choix près du port en fait rapidement un espace très convoité par diverses entreprises qui s’y installent. Le rez-de-chaussée, par exemple, est occupé par les bureaux du C.P.R. Telegraph et devient une succursale de la Banque de Montréal qui restera présente dans l’immeuble pendant plus de 80 ans. Suite à la la vente de l’immeuble par la Dorchester Realties en 1939, de nombreux propriétaires se succèdent et le type d’entreprises locataires se diversifie. Il est intéressant de noter que de 1929 jusqu’au début des années 1990, la compagnie de chemin de fer Canadien National occupe l’immeuble construit à l’origine pour répondre aux besoins du Canadien Pacifique, son grand concurrent!
Un style classique devant une ossature moderne!
Réalisé sous la direction de la prestigieuse firme d’architectes Hutchison, Wood and Miller, l’édifice Shaugnessy a une emprise impressionnante sur le sol. Son élévation attire le regard des passants sensibles à la beauté. Sa volumétrie et le style esthétique qu’il adopte sont dictés à la fois par la mode des gratte-ciel nord-américains qui s’inspire des styles classiques, par le règlement municipal de 1901 qui limitait la hauteur des gratte-ciel commerciaux à 10 étages, mais aussi par sa fonction. Par exemple, la forme en U du bâtiment devait assurer une luminosité suffisante pour les bureaux situés à l’arrière, en plus de rentabiliser l’espace. La façade principale en brique claire qui donne sur la rue McGill s’étale sur près de 50 mètres. Dans une composition tripartite classique typique du gratte-ciel nord-américain d’esprit beaux-arts, elle reprend le modèle des colonnes antiques avec un socle, un fût et un chapiteau. Les hauts pilastres à panneau qui ornent la partie médiane de la façade alternent avec les travées de fenêtres. La succession de ces éléments donne l’impression d’une majestueuse colonnade antique, mais évoque aussi le côté plus moderne du bâtiment, c’est-à-dire son squelette en acier!